Hélène Bléhaut

Nita, mariée

Nita va se marier. Dans un mois et demi. Au Népal, entre la décision et la cérémonie, on ne traîne pas.
Elle m'avait dit en 2012, comme si elle m'annonçait la météo, "l'amour c'est trop dur, je ferai probablement un mariage arrangé".
Je m'attends donc à couvrir une succession de rituels où la mariée doit pleurer et partir en exil dans la famille de son mari. Son histoire, entre tradition culturelle et arrangements contemporains, est bien plus complexe. Elle reflète l'adaptabilité et l'évolution des mentalités au sein de certaines familles népalaises d'aujourd'hui.

2015

DSC 1634 — J-3: séance d'épilation au salon de beauté. C'est Teej, le festival des femmes; l'esthéticienne est sur son trente-et-un. Toutes les clientes qui passent par la boutique acheter des bracelets revêtent aussi le traditionnel sari rouge.

DSC 1459 — Nita, dans l'appartement qu'elle occupe avec sa mère et son frère. Plusieurs membres de la famille et amis, ainsi que son fiancé, sont venus partager le repas du soir, quelques jours avant la cérémonie.

DSC 1759 — Les amies et voisines sont venues en ce jour férié fabriquer les mala, des colliers en herbe que porteront les époux pendant la cérémonie.

DSC 1834 — Sita, la mère, essaie son sari de mariage, la veille de la cérémonie. Il a été offert par la famille du fiancé, comme le sari les bijoux et accessoires de la mariée. Celle-ci rend la pareille en habillant les femmes de sa belle-famille.

DSC 1868 — Matin du mariage. Il est 6h, les femmes de la famille et les amies se retrouvent pour se préparer. Enfiler des churra, ces bracelets en verre ou en métal typiques assortis au sari, demande un peu d'aide, un peu de souffrance et du savon. Afin de gagner du temps, certaines ont dormi avec. Strass et pyjama.

DSC 1926 — Vers 9h30, Nita revient du salon de beauté où elle est allée se faire coiffer et maquiller.

DSC 2058 — Séance sari-photo dans la cour de l'école. La famille de Nita y habite: elle est comptable pour l'école, sa mère concierge, son frère a été surveillant et travaille maintenant dans un café voisin.

DSC 2172 — La cérémonie est étonnamment courte. Comme Krishna est hindou et Nita chrétienne, ils ont choisi de ne faire en public qu'une sorte de mariage civil. La mariée doit symboliquement se débarrasser de ses bijoux pour accepter ceux de son nouvel époux. Selon la tradition, l'épouse est censée quitter sa religion pour adopter celle de son mari, mais dans leur accord chacun pourra suivre la sienne indépendamment.

DSC 2321 — Les collègues enseignantes de Nita, qui est comptable à l'école, viennent la féliciter. Suite à l'échange de bijoux, les époux installés dans des trônes reçoivent les félicitations et les cadeaux des invités. Les époux partiront ensuite célébrer dans la famille du marié, au village.

DSC 2589 — Au moment du départ, Nita embrasse sa famille. C'est un moment émouvant. Selon la tradition, la mariée va vivre dans la famille du mari, mais dans son cas, ils habiteront dans un quartier voisin, car tous deux travaillent en ville et la belle-famille est au village, à 4h30 de moto.

DSC 2647 — De retour à la maison, la famille compte l'argent que les invités ont offert aux mariés. Sur certaines enveloppes, le nom des donateurs permettra de rendre la même somme lors de leurs propres futurs mariages. "Ça coûte cher de se marier" m'avait dit Nita en me montrant ses bijoux en or. En acheter, c'est placer ses économies.

DSC 4101 — Nitesh, son frère, l'emmène en scooter dans son nouveau foyer. Ils en ont fait l'acquisition récemment. Quelques jours plus tard, vers le 25 septembre, l'Inde impose un blocus pétrolier au Népal, totalement dépendant de son voisin, en désaccord avec un point de la nouvelle constitution, adoptée le 20 septembre. Cette situation paralyse les activités dans la vallée de Katmandou, les rares bus sont bondés et Nitesh comme beaucoup d'autres se met au vélo.

DSC 4298 — Dans la cuisine de son nouveau foyer, avec sa belle-soeur qui vit avec eux, et qui l'aide pour les tâches ménagères. Ils m'ont invitée à dîner et sont allés chercher de la crème glacée pour l'occasion.

DSC 5162 — Nita, de retour au travail, arbore ses bijoux de jeune mariée sur son uniforme. "Comme je viens de me marier, les gens attendent de moi que je les mette, que je sois bien apprêtée, et que j'affiche mon statut. Je ne peux plus mettre des bijoux en toc au travail." Elle s'inquiète en outre d'avoir manqué la fac pendant deux semaines. Son emploi du temps: lever 4h30, préparation du petit-déjeuner, université de 6h à 8h, travail à l'école de 9h à 17h, puis préparation du dîner et tâches ménagères.